Incinérateur Dickson

Construit en 1955 et abandonné en 1978, l'incinérateur Dickson donne l'impression d'être un organe arraché au corps de Montréal, une bête de brique et d'acier qui, jadis, dévorait les déchets d'une ville en pleine transformation avant d'être condamnée au silence. Ses deux cheminées, s'élevant vers le ciel comme des aiguilles rouillées, n'ont plus fumé depuis des décennies, mais leurs parois conservent encore le souvenir acide des années où tout finissait en poussière et en chaleur. À l'intérieur, les fosses béantes ressemblent à des gorges desséchées où la température s'est effondrée brutalement, ne laissant derrière elle qu'une odeur fantomatique et un vide abyssal qui résonne sous chaque pas. Les passerelles métalliques grincent encore, obstinément, comme si la machine refusait d'admettre qu'elle n'a plus rien à brûler. Une partie du site est encore utilisée, le reste vit dans une semi-réalité, un territoire fragmenté où les pigeons, le vent et les graffitis reconquièrent les surfaces comme des plantes sauvages. Dickson n'est pas qu'une ruine industrielle ; C'est un avertissement concret, un lieu où le temps s'écoule lentement, où chaque photographie semble capturer le souffle retenu d'une créature qui ne dort jamais vraiment.